Et un jour, lorsque les mots « faim » ou « sourire » seront les siens, lâhomme se distancie et de la faim ou de la satisfaction quâil ressent et de la mĂšre, qui le nourrit. Ils sont autres, lâautre. Ainsi, la parole de la mĂšre a sĂ©parĂ© lâadulte quâil est de sa contiguĂŻtĂ© et de sa continuitĂ©, avec son monde. Pour que quelquâun existe, il faut lui parler, le dĂ©signer par
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». Cette citation du poĂšte Paul Valery illustre parfaitement la pĂ©riode actuelle puisque lâhumanitĂ© est confrontĂ©e Ă une crise affectant tous les domaines de son existence, crise financiĂšre, Ă©conomique, sociale, politique, Ă©nergĂ©tique, technique, Ă©cologique, anthropologique...Cette crise nâest dâailleurs pas seulement globale mais systĂ©mique, au sens oĂč quelque chose fait lien entre ses multiples facettes. Ce qui fait lien ce nâest pas tant que la sociĂ©tĂ© a sombrĂ© dans la dĂ©mesure, mais le fait que le paradigme fondateur de la civilisation marchande soit entrĂ© lui-mĂȘme en dissonance. Nous crevons tout autant de la victoire du processus de marchandisation, qui a conduit, depuis deux siĂšcles, Ă rendre marchand tout ce qui pouvait lâĂȘtre, quâĂ lâimpossibilitĂ© structurelle de ce mĂȘme processus de se poursuivre crise systĂ©mique nâest donc pas seulement une crise des mĂ©faits, bien rĂ©els, de la marchandisation mais un blocage structurel liĂ© Ă la logique de marchandisation sommes donc face Ă un grand mouvement de dĂ©marchandisation, malgrĂ© les efforts constants pour remarchandiser ce qui lâĂ©tait moins grĂące aux conquĂȘtes sociales. La marchandisation appartient donc probablement au passĂ©, mĂȘme si nous nâen avons pas encore pleinement conscience, mĂȘme si nous ne sommes pas prĂȘts dâen finir avec le capitalisme, surtout quâil pourrait trĂšs bien parvenir Ă ouvrir de nouveaux champs Ă la marchandise avec lâanthropocĂšne transhumaniste. La marchandisation est donc un passĂ© qui nâen a peut ĂȘtre pas fini, mais dont les dommages ne pourront que croĂźtre sâil sâobstine encore Ă obstruer lâhorizon historique et Ă noyer nos vies dans les eaux glacĂ©es du calcul Ă©goĂŻste selon lâheureuse formule de Marx. Ce moment prĂ©sent est pourtant celui dâune relĂšve possible de ce principe qui se meurt en tant que paradigme dominant par un nouveau principe que le systĂšme voudrait refouler de sa vision. Albert Einstein disait que tant quâon a la tĂȘte sous forme dâun marteau on perçoit tous les problĂšmes sous forme de clou. Tant que nous aurons la tĂȘte formatĂ©e par les globalivernes qui prĂ©sident Ă la vision dominante du monde nous resterons dans lâincapacitĂ© de saisir ce qui se dĂ©veloppe. Nous devons donc redevenir des voyants comme nous y incitait Arthur nouvel Ăąge qui sonne Ă la porte de lâhumanitĂ© porte le joli nom de gratuitĂ©, ou, pour le dire de façon plus savante, de dĂ©fense et dâextension de la sphĂšre de la gratuitĂ©, car cette gratuitĂ© nâa jamais totalement disparu, mĂȘme au sein du versus marchandisation, deux gĂ©ants aux prises depuis des siĂšcles et dont nous retracerons sommairement lâhistoire. GratuitĂ© versus marchandisation, deux plaques tectoniques dont les mouvements dĂ©gagent sous nos yeux de nouveaux continents. Nous partirons donc Ă la dĂ©couverte des Ăźlots de gratuitĂ©. Nous nous demanderons quel rapport cette marche vers la sociĂ©tĂ© de la gratuitĂ© entretient avec lâidĂ©e galopante dâun revenu gratuitĂ©, dont je parle, est, bien sĂ»r, une gratuitĂ© construite, Ă©conomiquement construite, socialement construite, culturellement construite, politiquement, construite, Ă©cologiquement construite, juridiquement construite, anthropologiquement construite, etc. Il ne sâagit donc pas simplement de ces gratuitĂ©s naturelles » comme le soleil ni mĂȘme de ces gratuitĂ©s premiĂšres comme lâamour, lâamitiĂ©, la gentillesse, la solidaritĂ© qui donnent pourtant du prix Ă la gratuitĂ©s, que jâĂ©voque, se dĂ©veloppent avec le retour des communs, dont la forme peut ĂȘtre celle des services publics Ă la française, ou, des nouveaux espaces de gratuitĂ© qui embellissent nos villes, boites Ă livres, jardins partagĂ©s, dĂ©coration floraleâŠCette gratuitĂ© nâest pas la poursuite du vieux rĂȘve mensonger Demain, on rase gratis » ; elle ne croit plus aux lendemains qui chantent » car elle veut justement chanter au prĂ©sent ; elle ne promet pas une libertĂ© sauvage dâaccĂšs aux biens et services, mais relĂšve dâune grammaire, avec ses grandes rĂšgles et ses exceptions. PremiĂšre rĂšgle la gratuitĂ© ne couvre pas seulement les biens et services qui permettent Ă chacun de survivre comme lâeau vitale et le minimum alimentaire, elle sĂ©tend, potentiellement, Ă tous les domaines de lâexistence, y compris le droit au beau, le droit Ă la nuit, le droit Ă prendre part Ă la culture et Ă la politique. DeuxiĂšme rĂšgle si tous les domaines de lâexistence ont vocation Ă ĂȘtre gratuits, tout ne peut ĂȘtre gratuit dans chacun des domaines, et, pas seulement pour des raisons de rĂ©alisme comptable, mais parce que la gratuitĂ© est le chemin qui conduit Ă la sobriĂ©tĂ©. TroisiĂšme rĂšgle le passage Ă la gratuitĂ© suppose de transformer les produits et service prĂ©existants dans le but dâaugmenter leur valeur ajoutĂ©e sociale, Ă©cologique et trois rĂšgles se rejoignent au sein dâun nouveau paradigme gratuitĂ© du bon usage face au renchĂ©rissement du mĂ©susage. Ces trois rĂšgles nâĂ©puisent, bien sĂ»r, pas tous les dĂ©bats. Est-il possible de dĂ©montrer que la gratuitĂ©, loin de provoquer lâirresponsabilitĂ© dont on lâaccuse, fait partie des solutions anti-gaspillage ? Comment sâopposer Ă ceux qui clament que la gratuitĂ© aboutira au renforcement de Big-Brother et de Big-Mother, au contrĂŽle soupçonneux dâun cĂŽtĂ© et Ă lâassistanat liberticide dâun autre ? Pourquoi la gratuitĂ© serait-elle plus efficace que les tarifs sociaux ? Cet ouvrage rĂ©pondra, sans faux fuyants, Ă toutes les questions que se posent lĂ©gitimement les citoyens et les contribuables, car il faut bien lever les peurs, savamment entretenues, pour rouvrir le champ des possibles et avancer vers la voyage nous conduira Ă la dĂ©couverte gourmande des mille et une expĂ©riences de gratuitĂ© qui fleurissent aujourdâhui gratuitĂ© de lâeau, de lâĂ©nergie, de la restauration scolaire, des services culturels, bibliothĂšques comme musĂ©es, des Ă©quipements sportifs, des services funĂ©raires, de la santĂ©, de lâenseignement, du logement, des transports en commun scolaires et urbains, de lâaccĂšs aux services juridiques et aux donnĂ©es publiques, de la participation politique, des parcs et jardins publics, des espaces de jeux, de lâembellissement des villes, du numĂ©riqueâŠCe voyage fraye aussi des chemins plus escarpĂ©s pour passer de ces Ăźlots de la gratuitĂ© Ă des archipels puis, demain, Ă un continent. Jâai lâespoir que tous ces petits bouts de gratuitĂ© finiront par cristalliser, donnant naissance Ă une nouvelle civilisation, laquelle cohabitera longtemps avec un secteur marchand de la mĂȘme façon quâexistent encore, aujourdâhui, des formes de vie prĂ©capitalistes. Jâai envie de croire, et jâai de bonnes et de belles raisons pour cela, que cette sphĂšre de la marchandise dĂ©clinera jusquâĂ disparaitre. Mais la gratuitĂ© ne fera sociĂ©tĂ© que si elle terrasse les quatre cavaliers de lâApocalypse qui menacent lâhumanitĂ© et la planĂšte, que si elle permet de commencer Ă sortir de la marchandisation de la monĂ©tarisation, de lâutilitarisme, de lâĂ©conomisme, que si elle nous conduit au-delĂ de la logique des besoins et de la proposition paraĂźtra iconoclaste Ă lâheure oĂč les tenanciers du capitalisme rĂ©pĂštent en boucle que ce qui serait sans valeur marchande perdrait humainement toute valeur, comme si lâamour et lâamitiĂ© nâexistaient dĂ©jĂ pas pour eux ; Ă lâheure aussi oĂč la crise Ă©cologique leur sert de prĂ©texte pour Ă©tendre la sphĂšre de la marchandisation, selon les principes du pollueur-payeur » et de lâutilisateur payeur » en attendant que lâanthropocĂšne transhumaniste ne clore dĂ©finitivement ce dĂ©bat. Je sais bien quâil reste des Bastille Ă prendre mais nous nây parviendrons quâen brisant les images qui claquemurent nos vies. Ce voyage est un hymne au plus Ă jouir » quâoffrira la gratuitĂ©, il dĂ©bouchera sur la sociĂ©tĂ© des usagers maĂźtres de leurs usages. Nous nâassistons pas seulement Ă lâaccouchement dâun nouveau monde car nous en sommes collectivement les vĂ©ritables acteurs. Le paradoxe veut que nous nâen soyons pas conscients car nous manquons dâoutils intellectuels et de la sensibilitĂ© permettant de percevoir et de comprendre ce qui Ă©merge comme le signe annonciateur, une Ă©piphanie prometteuse, dâun autre futur. LâĂ©poque nous rend victimes dâun double tropisme aveuglant. Nous ne parvenons plus Ă croire ce que nous savons car le dĂ©ni sâavĂšre ĂȘtre le principe structurant de nos existences collectives. Chacun sent bien que le capitalisme nous conduit dans le mur et pourtant nous continuons Ă avancer comme si nous Ă©tions indiffĂ©rents au devenir du monde et Ă celui de nos enfants. Le philosophe Pascal Ă©voquait la façon dont les multiples activitĂ©s nous distraient du sentiment de notre propre finitude. Ce refoulement sâest Ă©tendu aux menaces qui pĂšsent sur le devenir mĂȘme du genre humain compte tenu du risque dâeffondrement. Lâappel Ă la responsabilitĂ© sâavĂšre dâune piĂštre utilitĂ© face au pĂ©ril. Ce constat pessimiste oblige Ă refermer lâillusion des lumiĂšres lâaccĂšs au savoir est bien une condition prĂ©alable Ă lâĂ©mancipation mais il nâen est pas la condition. Comme lâĂ©crit Gilles Deleuze, seul le dĂ©sir est rĂ©volutionnaire et la gratuitĂ© fonctionne au second blocage est tout aussi terrifiant puisque nous constatons que croire ce que lâon sait ne suffit pas toujours Ă agir. Je ne parle mĂȘme pas ici dâune action rĂ©flĂ©chie et efficace. Le rĂ©quisitoire est Ă©tabli depuis si longtemps quâil en est devenu assommant, au point de susciter la paralysie et le cynisme. Le sentiment dâimpuissance Ă©teint les lumiĂšres dans nos tĂȘtes. La gratuitĂ© bouscule ce schĂ©ma mortifĂšre en introduisant dâautres formes dâintelligence. Lâintelligence rationnelle conserve toute sa part et cet ouvrage apportera les informations, les analyses, les concepts qui sont autant de joyaux pour penser la transition. Lâintelligence du cĆur est sollicitĂ©e car nous avons tous/toutes la gratuitĂ© chevillĂ©e au cĆur en raison de sa charge Ă©motionnelle liĂ©es Ă nos relations amoureuses, amicales, affectives, bĂ©nĂ©voles. Lâintelligence pratique sâavĂšre Ă©galement de lâouvrage car la gratuitĂ© est dâabord du domaine du faire et dâun faire collectif. Ces intelligences de la raison, du cĆur et de la main sâĂ©panouissent mieux en sociĂ©tĂ©, car la gratuitĂ© ne sâexpĂ©rimente jamais seul. La gratuitĂ© sâoppose Ă toute robinsonnade puisquâelle fait sociĂ©tĂ©.
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Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles" Nous devons Ă un militant du CPTG la traduction d'un article d'ATTAC Italie. Il nous a paru assez pertinent pour queDĂ©couvrez les 73 citations sur Civilisation, les meilleures citations civilisation, des phrases cĂ©lĂšbres ainsi que des citations de cĂ©lĂ©britĂ©s sur Civilisation. CIVILISATION Vous recherchez une citation sur le thĂšme de Civilisation ? A la mesure que les peuples montent en civilisation, les gouvernements descendent en police. , cette citation de Jules BARBEY DâAUREVILLY fait partie de notre sĂ©lection ainsi que L'admission des femmes Ă l'Ă©galitĂ© parfaite serait la marque la plus sĂ»re de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain. de Stendhal, l'une des plus belles citations sur Civilisation. Voir les thĂšmes de citations Commençant par C. 73 citations sur Civilisation. DĂ©couvrez ci-dessous les meilleures citations civilisation, des phrases cĂ©lĂšbres ainsi que des citations de cĂ©lĂ©britĂ©s sur Civilisation. Ci-dessous 73 citations Civilisation Recherche de citations par thĂšmes Un soir oĂč la mer pĂ©nĂštre Dans les pays de montagne Un soir oĂč on est plus jeune que sa jeunesse, Un soir oĂč lâon a beaucoup souffert mais oĂč plus rien Plus rien nâest vain, plus rien nâest pour la cendre.; Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, dâempires coulĂ©s Ă pic 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. 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Nous avions entenÂdu parÂler de mondes disÂpaÂrus tout entiers, dâempires couÂlĂ©s Ă pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; desÂcenÂdus au fond inexÂploÂrable des siĂšcles avec leurs dieux et leurs lois, leurs acaÂdĂ©Âmies et leurs sciences pures et appliÂquĂ©es, avec leurs gramÂmaires, leurs dicÂtionÂnaires, leurs clasÂsiques, leurs romanÂtiques et leurs symÂboÂlistes, leurs criÂtiques et les criÂtiques de leurs criÂtiques. Nous savions bien que toute la terre appaÂrente est faite de cendres, que la cendre signiÂfie quelque chose. Nous aperÂceÂvions Ă traÂvers lâĂ©paisseur de lâhistoire, les fanÂtĂŽmes dâimmenses navires qui furent charÂgĂ©s de richesse et dâesprit. »Paul ValĂ©Âry La crise de lâesprit, Ă©diÂtions NRF, 1919 CommentrĂ©pondre Ă l'angoisse toujours prĂ©sente un siĂšcle aprĂšs que ValĂ©ry eut Ă©noncĂ© : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »? D'abord et simplement par un retour Ă ses fondamentaux. Un territoire qui n'inclut ni le Maghreb ni la Turquie ni la partie orientale de la Russie. Tribune libre de Pierre-François Ghisoni* Civilisations, nous sommes mortelles ! Reste Ă le » savoir comme le prĂ©cisait Paul ValĂ©ry dans VariĂ©tĂ©s Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Et jâose ajouter reste Ă savoir si nous ne sommes pas dans la derniĂšre phase. Il nâest pas dâĆuvre humaine qui ne soit condamnĂ©e Ă pĂ©rir. Cela va du moindre Ă©crit comme celui-ci Ă la civilisation dans laquelle il sâinsĂšre. Et les exemples ne manquent pas dans le monde. Celui qui aurait prĂ©dit au soir du 15 novembre 1532 que lâempire inca disparaĂźtrait sous les coups de douze Espagnols aurait risquĂ© sa vie. Le 16 au soir⊠un Inca le titre Ă©quivalent Ă empereur et le lendemain⊠un prisonnier qui paiera la plus grosse rançon de lâhistoire et sera nĂ©anmoins exĂ©cutĂ©. On pourrait multiplier les exemples. Byzance, son empire et sa civilisation tombĂšrent en 1453 au milieu de querelles byzantines ». Vraie ou arrangĂ©e, nous est restĂ©e celle portant sur le sexe des anges ». Alors, la France de 2013 ? Comment ne pas ĂȘtre frappĂ© des similitudes internes avec les derniĂšres Ă©lucubrations de cette minoritĂ© de minoritĂ© et de ce gouvernement, dont on ne sait plus qui supporte lâautre, qui est la corde, qui est le pendu ? Comment ne pas ĂȘtre frappĂ© des similitudes externes au moment oĂč aujourdâhui, le mĂȘme gouvernement relance la question du droit de vote des Ă©trangers, alors quâil subit et abandonne les zones de non-droit Ă une nouvelle fĂ©odalitĂ© barbare ? Oui, les civilisations meurent. Elles meurent par la concomitance de fĂȘlures internes et externes qui en atteignent les Ćuvres vives, maquillĂ©es par un hideux replĂątrage. Elles meurent Ă cause des mannequins tonitruants aux pieds dâargile. Elles laissent des traces, et dâautres les remplacent. Elles meurent, soit parce quâelles ont fait leur temps, soit parce quâon nâa pas voulu traiter quand cela Ă©tait encore possible. Une civilisation Ă visage humain Elisabeth KĂŒbler-Ross, dont les travaux font autoritĂ©, dĂ©gage cinq stades successifs lorsquâun diagnostic fatal est annoncĂ© aux humains que nous sommes le dĂ©ni, la colĂšre, le marchandage, la dĂ©pression, lâacceptation. Reste Ă savoir comment une sociĂ©tĂ© se comporte en la matiĂšre. Reste Ă rĂ©flĂ©chir, peut-ĂȘtre Ă agir. Agir, câest avoir acceptĂ© dâentendre, câest faire le bilan des possibles sans se masquer les impossibles, câest, prendre lâune des voies ouvertes aprĂšs le stade dâacceptation laisser-aller, sây diriger bravement, lĂ©guer pour que le tĂ©moignage perdure. Ici encore, les exemples historiques ne manquent pas, mais mieux vaut y rĂ©flĂ©chir que dâalourdir ce texte. Mieux vaut faire le bilan⊠sans nĂ©gliger lâespoir, mais sans sây accrocher aveuglĂ©ment. Une conclusion provisoire Câest en ce sens quâil faut comprendre les dĂ©parts, les envies de dĂ©part, ou au contraire les envies de rĂ©sistance, dâenracinement, les affirmations, parfois pĂ©tries de courage, parfois pures rodomontades. Câest en ce sens quâil faut revoir les raisons que lancent haut et fort un Depardieu, les alibis financiers dâun Arnault et de tant dâautres intouchables. Câest en ce sens que nous continuerons. *Pierre-François Ghisoni blog est Ă©crivain et Ă©diteur. InterpellĂ©sur La Crise de lâEsprit et sa fameuse phrase initiale (« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » [ValĂ©ry, 1924 : 988]), lâauteur en appelle Ă la mĂ©fiance et Ă la circonspection concernant les affirmations sur lâhistoire et la civilisation, et finit par Ă©crire : « Câest un jeu ; ce nâest quâun jeu. La pandĂ©mie du coronavirus souligne non seulement â lâinsoutenable lĂ©gĂšretĂ© de lâĂȘtreâ mais de notre civilisation postmoderne et postindustrielle. Est-il concevable que, malgrĂ© les progrĂšs de la mĂ©decine, nous soyons rĂ©duits Ă nous calfeutrer chez nous pour prĂ©venir la propagation de la maladie ? Que resurgissent les grandes peurs, comme celles que provoquait la peste au Moyen-Ăąge ? Grandeur et misĂšre de la condition humaine ! Les dieux ont-ils voulu punir les hommes d'avoir voulu les Ă©galer aprĂšs les avoir mis Ă mort ? L'avĂšnement d'un " Homo deus" prophĂ©tisĂ© par Shlomo Sand paraĂźt bien lointain face au cataclysme viral de dimension biblique qui frappe aujourdâhui lâhumanitĂ©. Lâhistoire nous apprend quâaprĂšs les grandes crises il nây a jamais fermeture de la parenthĂšse. Il y aura certes un jour dâaprĂšs. Mais lâampleur de la crise Ă©conomique, sociale et politique pourrait nous mener vers un monde diffĂ©rent. A cela sâajouter les risques dâune crise morale comparable Ă celle qui sâest produite aprĂšs chacune des deux guerres mondiales qui ont Ă©tĂ© un choc pour lâidĂ©e de progrĂšs et de la croyance en un monde meilleur. Il a suffi dâun grain de sable pour gripper le mĂ©canisme de notre Ă©conomie mondialisĂ©e ; plus fragile parce que plus interconnectĂ©e que par le passĂ©. Le Fond MonĂ©taire International estime mĂȘme que le coronavirus pourrait engendrer les pires consĂ©quences Ă©conomiques au niveau mondial depuis la grande crise de 1929. Cette rĂ©cession va probablement freiner le processus de mondialisation, et de libre circulation des biens. Elle risque dâexacerber la guerre Ă©conomique entre la Chine d'une part et les Etats-Unis et l'Europe d'autre part. Ces derniers voudront sans doute amoindrir leur dĂ©pendance envers la Chine en relocalisant certaines industries. Quand lâEmpire du Milieu avait le monopole de la production de la soie, il prit des mesures drastiques afin dâempĂȘcher l'exportation de ce savoir-faire, avant que des marchands italiens ne parviennent finalement Ă en dĂ©rober le secret Ă la fin du Moyen-Ăąge. Plus naĂŻf, l'Occident a permis au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies Ă la Chine de piller ses technologies et dâaccumuler un excĂ©dent commercial colossal Ă son dĂ©triment. Donald Trump a Ă©tĂ© le premier Ă prendre la mesure de ce danger. L'Europe lui emboĂźtera-t-elle le pas ? La maitrise dont a fait preuve la Chine pour juguler lâĂ©pidĂ©mie est en tout cas un indice rĂ©vĂ©lateur du dĂ©fi grandissant que pose Ă lâOccident son modĂšle autoritaire, sa puissance Ă©conomique et ses avancĂ©es technologiques, ainsi que du dĂ©placement du centre de gravitĂ© du monde vers l'Empire du plan politique, la crise a rĂ©vĂ©lĂ© Ă la fois les limites de la gouvernance mondiale dans le cadre de l'utopie appelĂ©e " communautĂ© internationale" et des gestes de solidaritĂ© de la part de certains pays, contrastant avec le repli nationaliste et Ă©goĂŻste dâautres pays. Câest ainsi par exemple que Cuba, la Chine et la Russie ont envoyĂ© des Ă©quipes mĂ©dicales pour aider l'Italie Ă lutter contre le coronavirus, contrairement Ă ses voisins et partenaires au sein de l'Union EuropĂ©enne l'Allemagne et la France, ce qui a suscitĂ© une profonde amertume de la part des Italiens. Certes finalement les membres de lâUnion EuropĂ©enne sont parvenus Ă un accord sur un fond de soutien commun Ă lâĂ©conomie qualifiĂ© de grand jour pour la solidaritĂ© europĂ©enne » par Berlin. Il nâen reste pas moins que la pandĂ©mie qui a surtout frappĂ© lâItalie et lâEspagne montre la fracture bĂ©ante entre les pays du Nord et du Sud de lâUnion EuropĂ©enne dĂ©jĂ Ă©branlĂ©e par le Brexit. Au niveau individuel, selon Boris Cyrulnik Il y a deux catĂ©gories de gens ceux qui vont souffrir du confinement et ceux qui le vivent comme une forme de ressourcement » Provoquera-t-il chez eux un changement de valeurs, de paradigmes ? Une revalorisation dâun mode de vie dâavantage en harmonie avec soi-mĂȘme, les autres et la nature. Au niveau global y aura-t-il un monde dâavant et dâaprĂšs la catastrophe ? Une remise en question du modĂšle Ă©conomique nĂ©olibĂ©ral ? Une rĂ©affirmation de la souverainetĂ© de lâEtat et un renforcement de la compĂ©tition entre Etats, ou au contraire une prise de conscience de la nĂ©cessitĂ© dâune meilleure coopĂ©ration face aux dĂ©fis communs quâaffronte lâhumanitĂ© ? Sâajoutant au rĂ©chauffement climatique dĂ©noncĂ© par sa jeune Cassandre, la crise provoquĂ©e par le coronavirus montre en tout cas quâil y a quelque chose qui ne tourne pas rond sur notre petite planĂšte. Et les habitants desautres planĂštes de notre galaxie doivent se rĂ©jouir que les hommes n'aient pas encore inventĂ© des vaisseaux spatiaux capables d'arriver jusquâĂ reineabbas Lectured'un extrait de Paul ValĂ©ry=== ABONNE-TOI === RETROUVE-MOI SUR LES RĂSEAUX SOCIAUX ===TWITTER https://t Ne nous laissons pas prendre par le discours culpabilisant de gouvernements dont les discours martiaux du style "nous sommes en guerre" cachent de plus en plus mal qu'ils ont failli Ă leur tĂąche. Car cette image mĂȘme fait penser Ă nos brillants stratĂšges des deux conflits mondiaux qui menaient une guerre selon les principes de la prĂ©cĂ©dente les causes des Ă©vĂšnements actuels, ce sont les rĂ©ductions budgĂ©taires qui, en Italie comme en France, ont conduit Ă la faillite de systĂšmes hospitaliers qui Ă©taient parmi les meilleurs du monde, au nom du sacro-saint pacte de stabilitĂ© ; ce sont des pratiques d'Ă©vasion fiscale tolĂ©rĂ©es par les Gouvernements et par l'Union EuropĂ©enne qui ont englouti des hĂŽpitaux et des Ă©coles ; c'est la prioritĂ© aux profits des entreprises qui a conduit Ă des dĂ©localisations sous des cieux bĂ©nis oĂč le coĂ»t du travail est dĂ©risoire ; c'est la dĂ©pendance qui en rĂ©sulte qui a causĂ© une pĂ©nurie des moyens de protection Ă©lĂ©mentaires, mĂȘme pour le personnel soignant ; c'est la soumission servile de nos soi-disant reprĂ©sentants, qui ne savent mĂȘme plus comment s'Ă©crivent les mots "intĂ©rĂȘt commun", aux lobbies industriels et commerciaux ; c'est l'Ă©goĂŻsme europĂ©en dĂ©jĂ rĂ©vĂ©lĂ© Ă l'occasion de la crise de la dette publique, qui va aujourd'hui jusqu'Ă faire voler par un pays le matĂ©riel sanitaire destinĂ© Ă un autre. Si cette crise ne conduit pas Ă une remise en cause de nos fondamentaux Ă©conomiques et financiers, nous pourrons Ă©crire sur le fronton de nos mairies, en lieu et place de la devise de la RĂ©publique, cette phrase de Paul ValĂ©ry "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Car ce qui provoque l'effondrement des civilisations, c'est la sclĂ©rose d'institutions qui ne peuvent plus rĂ©pondre Ă de nouveaux dĂ©fis. Et Paul ValĂ©ry ajoute "les circonstances qui enverraient les Ćuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les Ćuvres de MĂ©nandre ne sont plus du tout inconcevables. Elles sont dans les journaux".Et maintenant, l'article d'Attac ItalieUne des stratĂ©gies les plus efficaces mises en Ćuvre dans toute situation d'urgence par les pouvoirs forts consiste Ă culpabiliser les individus pour obtenir d'eux qu'ils intĂ©riorisent la narration dominante sur les Ă©vĂ©nements en cours, afin d'Ă©viter toute forme de rĂ©bellion envers l'ordre stratĂ©gie a Ă©tĂ© largement mise en Ćuvre dans la derniĂšre dĂ©cennie avec le choc de la dette publique, prĂ©sentĂ© comme la consĂ©quence de modes de vie dĂ©raisonnables, oĂč l'on vivait au-dessus de ses moyens sans faire preuve de responsabilitĂ© envers les gĂ©nĂ©rations Ă©tait d'Ă©viter que la frustration due Ă la dĂ©gradation des conditions de vie de larges couches de la population ne se transforme en rage contre un modĂšle qui avait donnĂ© la prioritĂ© aux intĂ©rĂȘts des lobbies financiers et des banques sur les droits des bien cette stratĂ©gie qu'on est est en train de dĂ©ployer dans la phase la plus critique de l'Ă©pidĂ©mie de a mis le roi Ă nu et fait ressortir toutes les impostures de la doctrine systĂšme sanitaire comme celui de l'Italie, qui jusqu'il y a dix ans Ă©tait l'un des meilleurs du monde, a Ă©tĂ© sacrifiĂ© sur l'autel du pacte de stabilitĂ© des coupes budgĂ©taires d'un montant global de 37 milliards et une rĂ©duction drastique du personnel moins personnes, entre mĂ©decins et infirmiĂšres, avec pour brillant rĂ©sultat la disparition de plus de lits d'hĂŽpital â ce qui veut dire, s'agissant de la thĂ©rapie intensive de dramatique actualitĂ©, qu'on est passĂ© de 922 lits pour habitants en 1980 Ă 275 en cela dans le cadre d'un systĂšme sanitaire progressivement privatisĂ©, et soumis, lorsqu'il est encore public, Ă une torsion entrepreneuriale obsĂ©dĂ©e par l'Ă©quilibre la mise Ă nu du roi soit partie de la Lombardie est on ne peut plus illustratif cette rĂ©gion considĂ©rĂ©e comme le lieu de l'excellence sanitaire italienne est aujourd'hui renvoyĂ©e dans les cordes par une Ă©pidĂ©mie qui, au cours du drame de ces derniĂšres semaines, a prouvĂ© la fragilitĂ© intrinsĂšque d'un modĂšle Ă©conomico-social entiĂšrement fondĂ© sur la prioritĂ© aux profits d'entreprise et sur la prééminence de l'initiative remettre en question ce modĂšle, et courir ainsi le risque que ce soit tout le chĂąteau de cartes de la doctrine libĂ©rale qui s'Ă©croule en cascade ? Du point de vue des pouvoirs forts, c'est ainsi dĂ©marre la phase de culpabilisation des n'est pas le systĂšme sanitaire, dĂ©-financĂ© et privatisĂ© qui ne fonctionne pas ; ce ne sont pas les dĂ©crets insensĂ©s qui d'un cĂŽtĂ© laissent les usines ouvertes et encouragent mĂȘme la prĂ©sence au travail par des primes et de l'autre rĂ©duisent les transports, transformant les unes et les autres en lieux de propagation du virus ; ce sont les citoyens irresponsables qui se comportent mal, en sortant se promener ou courir au parc, qui mettent en pĂ©ril la rĂ©sistance d'un systĂšme efficace par chasse moderne, mais trĂšs ancienne, au semeur de peste est particuliĂšrement puissante, car elle interfĂšre avec le besoin individuel de donner un nom Ă l'angoisse de devoir combattre un ennemi invisible ; voilĂ pourquoi dĂ©signer un coupable les irresponsables », en construisant autour une campagne mĂ©diatique qui ne rĂ©pond Ă aucune rĂ©alitĂ© Ă©vidente, permet de dĂ©tourner une colĂšre destinĂ©e Ă grandir avec le prolongement des mesures de restriction, en Ă©vitant qu'elle ne se transforme en rĂ©volte politique contre un modĂšle qui nous a contraints Ă la compĂ©tition jusqu'Ă Ă©puisement sans garantir de protection Ă aucun de Ă nous comporter de façon responsable et faisons-le avec la dĂ©termination de qui a toujours Ă l'esprit et dans le cĆur une sociĂ©tĂ© commençons Ă Ă©crire sur tous les balcons Nous ne reviendrons pas Ă la normalitĂ©, car la normalitĂ©, c'Ă©tait le problĂšme. »Pour ceux qui lisent l'Italien, le lien avec le texte original
Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles», constatait Paul Valéry au sortir de la premiÚre guerre mondiale. Qu'est-ce qu'éduquer en cette fin d'un siÚcle marqué par l'enthousiasme, l'horreur et la désillusion? Comment transmettre à la génération suivante le savoir - ce que la langue germanique
Curieux insatiables, nos contemporains s'interrogent sans fin sur les civilisations. Un ministre de l'IntĂ©rieur a pu ainsi observer Contrairement Ă ce que dit l'idĂ©ologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas âŠ. Celles qui dĂ©fendent l'humanitĂ© nous paraissent plus avancĂ©es que celles qui la nient. Celles qui dĂ©fendent la libertĂ©, l'Ă©galitĂ© et la fraternitĂ©, nous paraissent supĂ©rieures Ă celles qui acceptent la tyrannie, la minoritĂ© des femmes, la haine sociale ou ethnique » Claude GuĂ©ant, 4 fĂ©vrier 2012. Le propos a fait polĂ©mique en raison du flou qui entoure le mot civilisations » au pluriel. Demandons-nous ce que recouvre ce mot que le ministre français a employĂ© en lieu et place du mot sociĂ©tĂ©s ». On peut lĂ©gitimement prĂ©fĂ©rer la sociĂ©tĂ© allemande du temps de Bach Ă la sociĂ©tĂ© allemande du temps de Hitler mĂȘme si lâune et lâautre relĂšvent de la culture allemande, elle-mĂȘme partie intĂ©grante de la civilisation europĂ©enne. Allons-nous pour autant vers une civilisation planĂ©taire construite autour de valeurs universelles ? Rien nâest moins sĂ»r⊠AndrĂ© LaranĂ©, avec la contribution d'Isabelle GrĂ©gor Pas de civilisation » avant le XVIIIe siĂšcle ! Bien que dâapparence commune, le mot civilisation » nâa que trois siĂšcles dâexistence. Il est issu du latin civis, c'est-Ă -dire citoyen, et de civitas, qui dĂ©signe la citĂ©, autrement dit lâensemble des citoyens. Il apparaĂźt dâabord dans le vocabulaire juridique pour dĂ©signer le fait de rendre civile une matiĂšre criminelle ! C'est au siĂšcle des LumiĂšres qu'il commence Ă se montrer dans un sens moderne. On le repĂšre en 1758 dans LâAmi des Hommes, un essai politique de Victor Riqueti de Mirabeau, le pĂšre du tribun rĂ©volutionnaire C'est la religion le premier ressort de la civilisation », c'est-Ă -dire qui rend les hommes plus aptes Ă vivre ensemble. On le retrouve en 1770 dans LâHistoire des Deux Indes, un ouvrage majeur du siĂšcle des LumiĂšres, attribuĂ© Ă lâabbĂ© de Raynal et plus probablement Ă Diderot La civilisation d'un empire est un ouvrage long et difficile ». Dans cet ouvrage, le mot civilisation » est employĂ© comme synonyme de rendre policĂ© » de polis, citĂ© en grec. Il exprime le processus qui permet aux hommes de sâĂ©lever au-dessus de lâĂ©tat de nature, en corrĂ©lation avec le dĂ©veloppement des villes. Ă ce propos, il nâest pas anodin dâobserver que les adjectifs apparentĂ©s civilisĂ© », policĂ© » et urbain » au sens dâurbanitĂ© viennent de mots latins ou grecs qui dĂ©signent tous la ville ou la citĂ© civitas, polis, urbs. En 1795, Ă la fin de la RĂ©volution, le mot civilisation a les honneurs du dictionnaire de l'AcadĂ©mie française avec la dĂ©finition suivante Action de civiliser, ou Ă©tat de ce qui est civilisĂ© ». L'Ă©dition de 1872 est plus prĂ©cise Ătat de ce qui est civilisĂ©, c'est-Ă -dire ensemble des opinions et des mĆurs qui rĂ©sulte de l'action rĂ©ciproque des arts industriels, de la religion, des beaux-arts et des sciences ». Elle ne porte pas de jugement de valeur ni nâĂ©tablit de comparaison entre diffĂ©rentes formes de civilisations. Le barbare n'est pas celui qu'on croit Les jugements de valeur ont longtemps Ă©tĂ© Ă©trangers Ă la pensĂ©e occidentale. Quand les anciens Grecs inventent le mot barbare, il sâagit simplement d'une onomatopĂ©e par laquelle ils dĂ©signent les gens qui ne parlent pas leur langue. Le sens du mot Ă©volue Ă la fin de lâAntiquitĂ© quand, choquĂ©s par la violence des invasions germaniques, les Romains commencent Ă opposer sauvagerie et civilisation humanitas. Le mot barbare prend alors une consonance pĂ©jorative en dĂ©signant l'ensemble des peuples hostiles qui vivent aux confins de l'empire. Mais les Romains et leurs hĂ©ritiers, chrĂ©tiens Ă lâouest, majoritairement musulmans Ă lâest, demeurent Ă©trangers aux jugements de valeur et plus encore aux catĂ©gories raciales. Au Moyen Ăge, pour les disciples du Christ comme pour ceux de Mahomet, tous les hommes ont vocation Ă rejoindre leur foi. Ă ce propos, retenons lâobservation ironique de l'historien britannique Arnold Toynbee, publiĂ©e en 1972 Au lieu de diviser lâhumanitĂ© comme nous le faisons, en hommes de race blanche et en hommes de couleur, nos ancĂȘtres les divisaient en chrĂ©tiens et en paĂŻens. Nous ne pouvons manquer dâavouer que leur dichotomie valait mieux que la nĂŽtre tant sur le plan de lâesprit que de la morale» LâHistoire, Elsevier, 1972, traduction 1978. Curieux de tout, les EuropĂ©ens du Moyen Ăge, une fois quâils eurent fait le tour de leur monde imaginaire bestiaire, gargouillesâŠ, sâĂ©chappĂšrent de lâĂ©troite fin de terre » dans laquelle ils sont piĂ©gĂ©s. Ils empruntĂšrent la seule voie qui leur fut ouverte, la voie ocĂ©anique, et c'est ainsi qu' Ils regardaient monter en un ciel ignorĂ©/Du fond de lâOcĂ©an des Ă©toiles nouvelles » JosĂ© Maria de Heredia. Brutales rencontres La rencontre avec les peuples du Nouveau Monde est brutale, dâautant plus meurtriĂšre que sâimmisce le flĂ©au des Ă©pidĂ©mies. Elle rĂ©vĂšle aussi aux EuropĂ©ens lâinfinie diversitĂ© de la condition humaine Mais quoi, ils ne portent point de hauts-de-chausses ! » Cette rĂ©flexion amusĂ©e conclut le passage des Essais rĂ©digĂ© par Montaigne aprĂšs sa rencontre avec trois Indiens du BrĂ©sil, Ă Rouen, en 1562. Montaigne ne sâen tient pas lĂ . DĂ©crivant les mĆurs cruelles des cannibales » dico, il ajoute Je trouve, pour revenir Ă mon propos, quâil nây a rien de barbare et de sauvage en cette nation, Ă ce quâon mâen a rapportĂ© sinon que chacun appelle barbarie, ce qui nâest pas de son usage ». Et prĂ©cise Je pense quâil y a plus de barbarie Ă manger un homme vivant quâĂ le manger mort, Ă dĂ©chirer par tourments et par gĂ©hennes, un corps encore plein de sentiment, Ă le faire rĂŽtir par le menu ». La critique vise ses contemporains qui se dĂ©chirent dans les guerres de religion. Montaigne les amĂšne Ă rĂ©flĂ©chir sur leur conduite par une mise en parallĂšle avec une autre conduite, le cannibalisme, que son Ă©loignement permet dâobserver avec dĂ©tachement. Cette dĂ©marche sera reprise un siĂšcle plus tard par Montesquieu dans les Lettres persanes. Ses deux hĂ©ros, Usbek et Rica, par leur questionnement sur la sociĂ©tĂ© française, amĂšnent les lecteurs Ă remettre en question leurs certitudes. Pour ces penseurs Ă©clairĂ©s, il sâagit non pas de condamner ou rĂ©prouver mais simplement de faire progresser des pratiques figĂ©es dans lâhabitude et la routine. En prĂ©venant les Occidentaux contre le pĂ©chĂ© dâarrogance et le sentiment quâils nâont rien Ă apprendre de quiconque, lâouverture aux sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres devient un moteur de lâinnovation. Elle sâavĂšre efficace si lâon en juge par la liste des emprunts Ă©trangers dans les sociĂ©tĂ©s de la Renaissance et du siĂšcle des LumiĂšres, depuis le tabac, originaire du BrĂ©sil, jusquâau recrutement des hauts fonctionnaires par concours, selon la pratique chinoise du mandarinat. PubliĂ© ou mis Ă jour le 2021-08-23 053815 K4xGXSs.